La Belle me hante ( Anne-Marie DERESE )

Titre : La Belle me hante
Auteure : Anne-Marie Derèse
Préface : Anne-Michèle Hamesse
Illustrations : Michel Cliquet

Format : 14 cm x 20 cm
              111 pages dont
              11 illustrations noir et blanc

Genre littéraire : poésie

ISBN : 978-2-39052-010-8
Prix de vente : 18 €


Disponible le 4 mars 2020
Nue, plus nue que la nudité,
elle avance
raidie de honte, bleue de froid,
elle avance vers l’inéluctable,
Ses lèvres sanguines
n’ont plus de paroles
à glisser sur d’autres lèvres.
Regards exorbités,
elles sont cent et plus encore
à avancer vers le néant.
Elles sont mille condamnées
à se défaire jusqu’à la cendre.

Mains salies pour une dernière caresse,
Hiéroglyphes gravés sur la fumée
nourrie de tant de chair et d’os,
une fumée grasse étouffant les cris.

Les âmes forment un nuage
de rage et de reproches.
La bête si étrange et si douce
ne comprend plus rien de la cruauté
humaine, du désastre de tant de chair.
La bête se couche sur l’herbe et pleure,
elle se tord d’incompréhension,
se mord pour crier de douleur,
elle voudrait mourir cent fois,
mille fois dans chaque corps,
fleurs fécondées de tant d’abeilles,
fœtus pour de nouveaux jours.
 
Je suis de celles qui sont vides
et pourtant mon amour flambe,
longues flammes pures pour
lécher voluptueusement les songes
de mes mille belles perdues.

Je suis de celles qui pleurent
J’ai du sang dans mes songes,
La rage qui boit à petit coup
le vin des festins,
une colère de ronces,
la démence qui se roule dans la peur
et toi qui ne reviens pas.
Je regarde dans le ravin,
une tache déchirée,
une douleur infinie.
Est-ce toi ce rêve sanglant,
ce désespoir qui m’étreint ?
Est-ce toi ?
Et la bête avec sa fourrure énorme,
ses griffes inutiles sur une chair
trop blanche, son regard tendre,
la bête avec ses larmes salées
coulant sur un désir impossible
se demande :
Est-ce toi cette tache déchirée ?
 
La magnifique poète Anne-Marie Derèse nous capture et nous captive. par ses mots ardents offerts en cascade, sarabande sans fin dont elle se veut l’ouvrière enchantée.

La dame brune nous chante sa chanson telle une fée de la nuit penchée sur le berceau des belles.

Elle dit leurs songes en un beau poème nuptial et incantatoire avec toute la ferveur d’une prière à celles qui la hantent, elle est la belle, elle est aussi la bête.

Elle nous hante Anne-Marie, la magicienne noire, ses paroles de feu, ses délires, son vertige en elle et à jamais, elle nous transporte vers ces pays magiques et indicibles, ceux où la poésie fait escale un jour, ou peut-être pour toujours, en un exil volontaire.

La richesse du verbe nous emporte dans un voyage envoûtant aux sortilèges impéris-sables qui nous poursuivent et nous captivent jusqu’à la fin des temps.

La belle nous hante et ne cesse jamais de nous hanter jusqu’au bout de ses mots.

Anne-Marie Derèse les change, ces paroles, en prophéties leur accorde une puissance divi-natoire, son imagination la fait visionnaire, elle ensorcelle ce recueil, brasse les mots, les pétrit commme une pâte à lever, ils sortent transfigurés, ils sont matière vivante, c’est l’apanage des plus grands conteurs.

Des plus grands poètes.

Anne-Marie Derèse est de celles-là.

(Extrait de la préface d'Anne-Michèle Hamesse)