Lumière amarante (Nadine SIMAL)

Extrait

Parlez-moi de ma plus belle voix
l’Ancienne
la Rebelle
celle de l’herbe rase
et du sang noir
quand la Camargue m’habitait 

Mon paysage   un archipel
aux longs oiseaux touchant le ciel
une saison flottante d’étangs profonds

J’y naquis presque immergée
J’y fus sarcelle
racine à peine
remous
hasard et fantaisie
l’âme plantée bas
plus bas que le ventre maternel

J’y fus seule et souveraine

Nul ne s’arrêtait aux berges glacées
à l’humble salicorne
aux lentisques noirâtres
nul ne se pendit à mon bras phosphorescent
Il leur fallait les rires des filles cuivrées

J’y ai pourtant
escorté la cavale aux flancs de neige
monté le taureau lubrique 
tressé le bel osier 
goûté le poivre et la menthe
et ce vin presque bleu qui sent la mer

Parlez-moi de ma plus belle voix
l’Ancienne
la Rebelle
celle de l’herbe rase
et du sang noir
Je ne sus grandir qu’en elle

Pour ma mort
qu’on réveille le héron cendré
la foulque enrhumée
la mouette rieuse 
le renard de lune

qu’on me noue au brin d’engane
à la croix de sagne 

pour aller plus loin que mon éternité

(Quand la Camargue m’habitait)
Titre : Lumière amarante
Auteur : Nadine Simal
Illustrations : Joëlle Aubevert
Préface : Jean-Michel Aubevert
Format : 14 x 20,5 cm
70 pages dont 3 illustrations couleur sur papier Canson 160 gr
Prix TTC : 12 euros
ISBN : 978-2-930498-23-2

Il était une fois et à jamais. La main qui manie la plume déroule ici le fil des images en caresses d’eau. Elle tient le milieu du tendre où le temps a filé ses méandres. Gourmande de mots et gourmande de vie, l’auteure en épelle le lien charnel, l’effeuille jusqu’à la rime la plus intime. Elle court une campagne passionnée jusqu’à la meurtrissure, aimante, trop aimante. La voix s’éraille en flétrissures dont elle refuse le verdict. L’enfance s’en trouve magnifiée, elle s’y ressource pour l’aventurer encore. L’amour repose au filet des mains, dans la ligne tracée des mots.