Les mots, le miel et mille fois l'or (Timotéo SERGOÏ)

Extrait :

« C’est septembre le jour,
dix-huit jours à t’attendre.
Je n’en pouvais plus rien.
Un soleil en gruyère nous chauffe encore le dos, alors que les feuillages tombent comme fardeaux, alors que les oiseaux volent comme voyage.

C’est septembre le soir,
viens t’asseoir ma si tendre.
Te revoilà enfin dans cette odeur de foin. L’autoroute est rayée de longs bâtons de froid,
de lignes d’ombre fraîche,
de rayons de lumière chaude, orange, vermeille.

C’est septembre la nuit, 
trop de bruit pour entendre.
Un motel en automne
et le cri des bagnoles en matelas de ciel. 
La ville au loin qui luit, guirlande d’impatience, étend son linge de lumières. »

« J’éclate en six grelots j’éclate en dix sangs grêles j’éclate en mille sanglots j’explose en cent cendres lourdes de mille mots de mille morts qu’est-ce que j’ai dit mais qu’est-ce que j’ai dit ?
Répète ce que tu n’as pas vu, répète et regarde, parle et répète de belles choses tant de belles choses invisibles que voici cent de mes veines ont pris vin de mon sang
qu’est-ce que j’ai dit mais qu’est-ce que j’ai dit ?
Je lui parlais d’amour
je vous parlais d’hier.
Des pichets de vin sale et le sable des larmes qui use les paupières tout en papier glacé, la profondeur du sel m’oxydera la peau pleurer pleurer pleurer pleurer ne plus penser pleurer et mon corps se secoue il tremble comme fièvre comme un corbeau blessé pleurer pleurer
ne plus penser mais qu’est-ce que j’ai dit et qu’est-ce que j’ai fait ?
Je lui parlais d’amour, 
je vous parlais de fièvre.»
Titre : LES MOTS, LE MIEL, ET MILLE FOIS L’OR
Auteur : Timotéo SERGOI
Format : 20 cm /14 cm
92 pages 
Prix TTC : 12 €
ISBN : 978-2-930498-04-1

Humour, décalage, sens du signifiant, maîtrise de la répétition porteuse, tels sont, à une première lecture, les atouts de ce poète. Son aisance à tronquer la réalité pour le plaisir des mots, pour la saveur juteuse des sensations fait que le lecteur se laisse porter par les sons, l'originalité de l'approche, le côté déjanté des alliances d'images. Comme chez les fabulistes, comme chez les chansonniers, l’auteur répète ses rythmes, ses verbes, ses attaques  pour nous mener là où il souhaite qu'on le lise avec ferveur. Réflexions sur le temps, l'espace, l'urgence (où partir? où aller?), ces poèmes conjoignent les beautés, les surprises, les jeux de mots, les ellipses, son amour des villes, des voyages, dans une joyeuse liberté d'invention. Le livre copieux est divers et chacun y goûtera la chansonnette, chacun y trouvera manière et matière à poésie, l'aphorisme en eau de boudin (Il ne suffira pas de changer le monde, / Il faudra changer aussi/ le papier à tapisser de ma chambre). Dérives et dérisions s'y entendent à merveille.
(résumé de la note de lecture de Philippe Leuckx pour Francophonie vivante de mars 2009).